dimanche 19 août 2012

Réponse à nos fils


          Ecrire sur l’Algérie me paraît important, mais sûrement pas dans une perspective de nostalgie stérile.
 Cela répond plutôt à un besoin impérieux de me situer par rapport à ce pays courageux qui, entraîné dans la vaste et générale secousse de décolonisation, a fini par arracher, on sait à quel prix de part et d’autre, son indépendance sans être, hélas épargné pour autant par de nouveaux écueils.  
  Comment expliquer que ces communautés d’Algérie, autres que celles des  indigènes musulmans,  se soient soustraites spontanément à ces processus de réorganisation politique, puisque sans l’ombre d’un doute sur le bien fondé et l’urgence de leur départ, elles ont rejoint la France, fortes de leur condition de citoyens français, acquise près d’un siècle plus tôt ?
    De même que   les descendants de colons français, ou méditerranéens, surnommés « pieds-noirs », se sont sentis contraints d’abandonner rapidement leur pays, je pense à l’exode massif de l’été 1962 auquel, par  coïncidence, je me suis trouvée mêlée dans un train bondé qui partant de Marseille amenait à Paris une foule de rapatriés d’Algérie), nous, français de souche algérienne, n’avons pas davantage envisagé, à de très rares exceptions près, de rester au pays. Conscients des difficultés inéluctables qui se profilaient à l’horizon,traumatisés par les violences d’évènements qu’il a bien fallu nommer « guerre », nous trouvions opportun de rejoindre la chère France de nos livres d’école ..
        Quoi qu’il en soit de l’épopée « Pied-noir », je n’en fais pas partie, ayant par libre arbitre quitté Alger en 1952. Ma famille, loin de s’être implantée en Afrique du Nord autour des années 1830  était déjà présente à l’arrivée des français depuis des temps éloignés, sans doute, L’Algérie est donc notre terre ancestrale, nous y avons laissé les  maisons, les tombes, les vestiges de nos ancêtres. Son abandon sans retour peut ainsi apparaître comme une troublante et délibérée rupture de la longue chaîne des générations.    Rupture qu’il faut bien reconnaître comme telle pour aider nos enfants à se situer dans cette discontinuité  peu rassurante.
      Au nom de quels romantiques prétextes déciderait-on de ne plus y faire allusion, et même de n’y plus retourner, de ne pas superposer aux souvenirs idéalisés les images contemporaines d’une Algérie en mutation ?
      Peut-être est-il encore opportun d’y conduire les nôtres et de leur rappeler, sans inutile accent pathétique : « Voici les lieux où une longue lignée de vos ascendants a vécu, y compris vos grands-parents maternels et votre mère. »      Faut-il attendre que les tensions se dissipent pour accomplir ce nécessaire pèlerinage aux sources ?   
 A l’arrivée, nous n’avons plus la même patrie que nos frères d’outre -mer,
mais nous conservons une terre natale commune : l’Algérie.
                                                                                                               Paris Février 2001



















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